mardi 3 mars 2015

Expériences trop réussies - T1 Chimère.

Quand je relis des passages d'Ayleen, je souris bêtement, où que je sois.

Par exemple, voici un passage du chapitre 1, retravaillé et re-retravaillé... On y présente Naïade, l'Arène, et les deux maîtres de l'aïkido... (qui sont aussi les deux personnages masculins et jeunes les plus proches d'Ayleen pour ce tome, et pour les trois suivants aussi...)

[...] Quand je me réveille, mes yeux tombent sur mon teddy qui diffuse une douce musique. Huit heures du matin. Il m’indique aussi que je suis seule à la maison. Même si l’on est samedi, mes deux parents sont partis travailler. Maman doit être partie pour donner son article au journal et pour les réunions de dernières minutes sur l’édition du mois. Quand à mon père, il ferait beau voir qu’il nécessite une raison pour partir au travail en week-end…
Je n’ai rien de prévu ce matin. Juste cet après-midi, la première répétition aura lieu avec toutes les personnes impliquées. Rafaelo et moi serons l’apothéose du spectacle, on dansera tous les deux pendant plus d’une heure, surtout si je maîtrise correctement la Chimère.
Bon, je me lève doucement, tout en me demandant ce que je vais bien pouvoir faire en attendant onze heures que Maman revienne. Je passe en revue mes possibilités : farnienter, aller voir Naïade, ce que j’aurais dû faire depuis trois jours, regarder pour la cinquième fois l’un des rares holofilms qu’on ait à la maison ou alors réviser mes pas de danse… Je sens que la danse, si j’en fais maintenant, je vais être fourbue avant le début de l’après-midi. Je consulte rapidement la liste des holofilms auquel j’ai accès : Frankenstein, Bambi ou SH et l’ombre de Moriarty. Aucun ne me convient, je les ai trop vus. Je devrais en réclamer d’autres à Maman. Le farniente ne me réussit pas et puis l’envie de voir Naïade, mon professeur particulier, me taraude.
D’un pas décidé j’entre dans la cuisine pour me faire un rapide repas. J’ouvre le frigo pour prendre le pot de confiture entamée, à la framboise, mon préféré, et coupe une large tranche dans la miche de pain frais. Mon regard se fait attirer par la boîte en fer forgé posé négligemment sur un coin de la table. Elle est remplie, je le sens ! Une feuille volante, scotchée dessus m’indique « Pour ce soir. Ayleen, pas touche ». L’écriture en patte de mouche de mon père est bien reconnaissable. Et c’est bien là les seules discussions agréables avec mon père. Celles qui ont lieu dans la cuisine, à propos de la nourriture. Bien sûr, Maman apprécie un bon repas, la sensation de satiété, mais sans le goût que j’ai développé pour la « cuisine de chez nous », dixit mon père. D’après lui, c’est une caractéristique familiale, et il reconnaît soi-disant sa sœur dans mes goûts.
Je soulève rapidement le couvercle pour laisser échapper un hurlement de joie. C’est bien ce que j’avais deviné : des beignets d’Ilstar ! Je joue un moment avec la volonté de juste m’empiffrer et d’ignorer royalement le message, mais je me retiens difficilement et préfère quitter la cuisine avant de revenir sur ma décision. Je descends au sous-sol et m’installe dans le fauteuil. Je règle tous les appareils, et quand le déclic s’enclenche, je ferme doucement les yeux. Quand je les rouvre, Naïade me fait face, pour me proposer une activité, comme à chaque fois.
« Alors, que veux-tu faire ? Tu as le temps de faire une unité complète de physique, tu es un peu en retard dans ce programme, et Thomas m’a dit qu’il était important pour ton futur…
— Ah, non, pas de physique ni de chimie.
— Mathématique, alors ? Sinon, tu as encore quelques unités à rattraper en Histoire. Comme on est samedi, c’est aussi le jour où l’Arène est ouverte, et tu peux y affronter les autres apprentis, ou simplement assister aux combats. »
Histoire ou Arène ? Je ne mets pas longtemps à finir de choisir. Après tout, j’ai tous les autres jours pour avoir cette leçon d’histoire… Mais ce n’est qu’un jour par semaine que je peux assister aux combats de l’Arène. Sitôt que ma décision est prise, le décor s’efface doucement pour laisser voir une salle aux multiples portes. Sur chacune d’entre elles, il y a un panneau comprenant deux informations. La discipline et le nombre de personnes en lice.
Je me dirige naturellement vers la discipline que j’aime le plus, l’escrime. Déçue, je remarque rapidement que personne n’y combat. Je continue le tour pour découvrir la plus grande concentration dans la discipline de l’aïkido. Je ne connais que très peu ce sport, mais poussée par la curiosité, j’entre dans la porte. On me propose alors de participer ou simplement d’assister au spectacle. Trop ignorante, je choisis la solution de lâcheté et passe du côté des gradins. Cinq silhouettes humaines sont sur le tatami, mais seulement deux sont engagés dans une sorte de combats qui semble particulièrement chorégraphiée. Aucun coup ne touche l’autre. Ils sautent, se tournent, font valser leurs partenaires. Comme de coutume dans l’Arène, je ne distingue pas du tout le visage des participants, seulement leur avatar. Des deux qui combattent, le premier a des ailes blanches d’ange qui semblent très douces au toucher, tandis que le second a une peau si pâle qu’on la croirait bleutée, et je distingue difficilement des oreilles de chats ainsi qu’une longue queue qui lui confère une silhouette plus féline qu’humaine. Quand il se retourne et me fait face, je sursaute à l’intensité de ses yeux de félins, et plonge mon regard dans le sien, entouré d’une vague verte.
Un message se matérialise à mes côtés.
« Pourquoi ne viens-tu pas sur le tatami ? Il y a aussi des débutants, tu ne seras pas ridiculisé. Il est dommage qu’aujourd’hui, des personnes restent dans les gradins ! »
Quand je relève le regard sur le combat, je vois l’ange aux ailes si blanches mettre à terre son adversaire avant de sursauter pour me voir. Dans ses yeux si clairs, j’ai l’impression de reconnaître Rafaelo. Puis l’impression s’en va, tant qu’il s’éloigne de sa prise. À ce moment-là, je vois ce que je n’avais pas remarqué avant : tout son côté droit est remplacé par une machinerie, ce qui lui donne en fait une allure saccadée. D’un enfant du paradis, ainsi enveloppé, il me semble plutôt surgir des antres de l’enfer.
Machinalement, je joue avec le papier qui peu à peu se désagrège entre mes doigts. Hésitation. J’y vais ou pas ? Finalement, un regard au garçon félin me décide. Je sors des gradins pour venir de l’autre côté. Avant d’entrer dans la salle où sont les autres, mon regard tombe sur un miroir me renvoyant ma propre silhouette. Celle d’une fille à la peau noire, et aux cheveux crépus. Moi qui dans la vie de tous les jours ai la peau pâle des habitants de Sarreson, et les cheveux lisses et châtains de ma mère. Mais ce n’est pas ma mère qui m’a inspiré cet avatar, mais l’ombre qui me protège, mon ange gardien, comme je l’appelle. Bien loin de la blancheur immaculée de la créature de métal que je vais croiser dans la pièce.
Finalement, j’ose franchir les derniers pas. Nous sommes six maintenant. Et l’homme félin prend en charge une sorte de cours. Mes yeux ne se lassent pas de suivre chacun de ses mouvements, et je détaille parfaitement ce qu’il fait. Quand il a fini d’exposer le mouvement, il s’adresse à moi, et je m’approche. Il me demande de l’attaquer. Je n’ose rien faire, il dégage trop de prestance pour que je puisse faire le moindre mouvement contre lui.
Dans ceux qui sont restés à assister, l’ange de métal rit d’une manière supérieure. Il m’agace. Il ne me croit pas capable de le faire, c’est ça ? Je vais lui en remontrer à ce moins que rien qu’il n’y a pas besoin de se faire augmenté par des machineries pour être capable d’attaquer. Mon coup part rapidement. Ce n’est pas celui auquel l’homme félin s’attendait, je le lis dans ses yeux. Il se jette à terre et mon coup part dans le vide. Je ne comprends pas. J’étais devant lui, et le voilà derrière moi. Prêt à donner un coup fatal, et je m’apprête à lui céder ma victoire, et me tends en prévision du coup prochain, mais rien ne vient. Puis, un contact léger sur mon omoplate. Il me repousse doucement du plat de la main. Et avec un sourire qui transcende ses yeux félins, il me fait comprendre qu’il attend encore mon attaque. Autour, les autres disparaissent. Je ne vois plus que lui et son sourire contagieux. Mon cerveau refuse de réfléchir, et comme dans la danse hier, il effectue des gestes que je ne calcule plus. Il obéit à un instinct supérieur auquel je ne peux que me plier.
Et encore une fois, je me retrouve acculée, et lui, de proie il est devenu chasseur. Je prends conscience que depuis le départ, c’est lui qui maîtrisait tout. Une vague d’admiration m’envahit. Soudainement, il me renvoie vers le bord du tatami. Sans douleur, sans déployer la moindre force. Il ne m’a presque pas touché. Et j’en suis... un peu désappointée. Il fait signe à l’ange mécanique qui le rejoint rapidement, en me souriant de manière supérieure.
Moi, je regarde simplement mes mains, là où il m’a touché. Ou sinon, le combat qui reprend. Ou plutôt une danse. Esquive et provocation. Je réponds trop vite aux provocations, cela a toujours été mon point faible. Dans cette discipline sur la maîtrise de soi, cela se révèle encore plus vrai.
Je vois ce que je ne pouvais pas distinguer du haut des gradins. Leurs gestes ne sont pas chorégraphiés. Leurs yeux ne se regardent pas, comme si l’autre ne représentait rien. Et certainement pas une menace. Leur concentration peut se sentir dans chacun de leur trait et je sens qu’aucun de leur geste n’est inutile. Instinctivement, je sais qu’ils sont les meilleurs d’entre nous dans cette discipline, mais aussi que l’homme-félin est le véritable maître. L’ange n’est qu’un apprenti. Il lui manque encore cette étincelle, cette aura que son ami possède. Comme un pantin sans âme, ses gestes sont parfaits, mais mécaniques et brusques. Finalement, peu à peu, les spectateurs se défient entre eux. Je reste seule, assise à genoux. Le « professeur » revient vers moi et me sourit. Je me retrouve entre les deux belligérants et à eux deux, j’apprends quelques gestes avant que l’horloge centrale ne me rappelle à l’heure. Je termine la séance, partagée entre la déception que ce soit déjà terminé et le soulagement de quitter l’atmosphère très tendue entre mes deux professeurs.
Quand j’émerge de la salle de l’Arène, Naïade prend gentiment des nouvelles pour savoir comment cela s’est passé. Quand je lui raconte le combat, une expression de pure surprise s’abat sur ses traits.
« Ils vous ont envoyé un message ? Mais je n’ai rien vu passer dans les logs ! »
Elle me confirme quand même que l’homme-félin et l’ange mécanique, comme je les ai dénommés dans ma tête, sont les maîtres incontestés du dojo d’aïkido. Même si, d’après ce que j’en ai vu, le premier est bien plus compétent que le second.


Et la prochaine fois, ce sera un extrait du Retour, que je vous offrirais ! N'hésitez pas à me laisser des commentaires, comme cette partie n'est pas allée en bêta-lecture, pour l'instant.

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